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mardi, juin 20

La CIA canadienne ne dort pas...

Je viens de lire ce texte publié dans la Cyberpresse. Je le recopie intégralement parce que très informatif... Bravo monsieur le journaliste. (G.V.)

DÉMANTÈLEMENT D'UN RÉSEAU TERRORISTE

Le SCRS a-t-il provoqué Toronto ?

André Noël

La Presse

Début juin, la police arrête 17 personnes à Toronto, accusées d'avoir planifié une série d'attentats terroristes en Ontario. L'opération a été présentée comme le plus gros coup de filet antiterroriste dans l'histoire du Canada.

Mais des experts et des avocats se demandent si ce réseau n'était pas essentiellement constitué d'amateurs sans envergure. Et si le SCRS n'a pas franchi la frontière entre le piège et l'incitation au crime.

Le SCRS, le Service canadien du renseignement de sécurité, avait un agent source au sein du présumé camp d'entraînement terroriste situé au nord de l'Ontario, a appris Me Michael Block, avocat d'un des cinq mineurs arrêtés le 2 juin. Me Block, ainsi que l'avocat d'un autre accusé et deux experts interviewés par La Presse se demandent si cet informateur ou d'autres agents se sont contentés d'infiltrer le réseau, ou s'ils ont encouragé les jeunes gens à planifier des attentats pour mieux les coincer.

«Les prévenus savaient qu'ils étaient surveillés (par le SCRS), a souligné Me Block. Comment, dans ces conditions, auraient-ils pu vouloir continuer à préparer des attentats ? L'explication officielle, c'est qu'ils ( les accusés ) croyaient que le SCRS n'avait pas de dents et qu'il n'agirait pas à temps. Les accusés, selon cette explication, croyaient que le SCRS se contenterait de les observer, mais ne les arrêterait pas.»

Cette explication n'a aucun sens, selon Andrew Mitrovica, auteur d'un livre sur le SCRS. «Si vous et moi étions en train d'organiser un vol de banque et qu'on apprenait que la police nous surveille, on ne volerait pas la banque, n'est-ce-pas ! Comment ces jeunes pouvaient-ils se savoir sous surveillance et quand même planifier de gigantesques attentats à la bombe ?

«Cette information vient semer un doute sur les conclusions de l'enquête. Comment, d'un côté, le SCRS peut-il prétendre que ce réseau était professionnel, et d'un autre côté, reconnaître que les membres du réseau se savaient surveillés ? Cela ne tient pas debout.»

La porte-parole du SCRS, Barbara Campion, a confirmé à La Presse que les agents du SCRS avaient communiqué avec les parents de certains jeunes pour les prévenir que leurs enfants étaient en train d'adhérer à une idéologie extrémiste. Mais elle a refusé de répondre à d'autres questions, la cause se trouvant devant les tribunaux.

Me Rocco Galati, avocat d'un des prévenus, Ahmed Ghani, 22 ans, croit qu'il est «très possible» que le SCRS ait franchi la fine frontière qui sépare la pose d'un piège et la provocation policière. La première opération est légale et la deuxième ne l'est pas, selon les balises fixées en 1988 par la Cour suprême. Par exemple, les policiers ont le droit d'ouvrir un bureau de change pour piéger des blanchisseurs d'argent, mais ils n'ont pas le droit d'inciter un simple fumeur de marijuana à importer des kilos de drogue.

«Il y a provocation policière lorsque : a) les autorités fournissent à une personne l'occasion de commettre une infraction sans pouvoir raisonnablement soupçonner que cette personne est déjà engagée dans une activité criminelle ni se fonder sur une véritable enquête, et, b) quoiqu'elles aient ce doute raisonnable ou qu'elles agissent au cours d'une véritable enquête, les autorités font plus que fournir une occasion et incitent à perpétrer une infraction», indiquait le juge en chef de la Cour suprême, Antonio Lamer.

Nitrate d'ammonium

Me Galati est intrigué par le rôle des forces policières, qui sont intervenues dans la livraison des trois tonnes de nitrate d'ammonium avec lesquelles les présumés terroristes devaient fabriquer de superbombes. Les autorités policières ont remplacé cet engrais par une substance inoffensive. Ce n'est pas la seule chose qui l'intrigue.

«On ne nous a remis aucune preuve pour appuyer toutes les allégations présentées aux médias, dit-il. L'accusation de mon client tient en une seule phrase ! Par ailleurs, je trouve très curieux l'âge des accusés. Sauf une exception ( un quadragénaire), ils sont très jeunes. Et c'est facile de manipuler les jeunes. À l'exception de deux accusés, personne n'avait de dossier criminel ou n'avait jamais eu de problèmes avec les autorités. Est-ce que le SCRS a infiltré une organisation criminelle ou a-t-il créé une organisation criminelle pour les fins d'un procès-spectacle ?»

Jean-Luc Marchessault, ancien agent du SCRS, se pose la même question. «Ça ne me surprendrait pas qu'un agent ait encouragé les présumés terroristes à commettre des actes criminels, a-t-il dit au cours d'un entretien. Ce ne serait pas la première fois qu'une telle chose arrive. Tout dépend de l'agent source et de celui qui le contrôle. Je connais mes anciens collègues, particulièrement dans le bureau de Toronto, et certains d'entre eux sont très ambitieux. Des carrières se font sur des grands coups comme ça ( comme le démantèlement du réseau des 17 présumés terroristes ). L'organisation (le SCRS) est très politique.»

Me Michael Block a rappelé que le SCRS a été créé à partir d'une section de la GRC spécialisée dans l'antiterrorisme et qui avait fait l'objet de commissions d'enquête. Des agents de cette section avaient posé des bombes et commis d'autres gestes criminels, en les présentant comme étant le fruit des activités du Front de libération du Québec.

Après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, La Presse avait révélé dans une longue série d'articles qu'un informateur du SCRS, Gilles Brault, s'était fait passer pour un islamiste radical. Gilles Brault, qui se faisait appeler Youssef Mouammar, avait lancé une fausse alerte au gaz sarin dans le métro de Montréal à la demande du SCRS. Toujours à la demande de son contrôleur, il avait envoyé des lettres de menaces, entre autres au juge d'instruction français Jean-Louis Bruguière. Quand M. Bruguière était venu à Montréal en commission rogatoire et avait exprimé le souhait d'interroger M. Brault, le SCRS avait caché celui-ci dans un motel pour empêcher la GRC de le trouver.

«La provocation est une vieille tactique policière, dit M e Block. Des agents s'emploient à inspirer des actions d'une envergure plus grande que ce qui avait été envisagé par des conspirateurs. Des preuves seront présentées quant au rôle joué par un agent dans le camp d'entraînement terroriste au nord de l'Ontario

«Et d'ailleurs, s'agissait-il d'un vrai camp d'entraînement ? Vous et moi le définirions plutôt comme un camp d'amateurs enthousiastes. La volonté de commettre des crimes était peut-être là, mais l'expertise manquait complètement. Les accusés avaient peut-être des intentions criminelles, mais le fait est qu'ils étaient probablement amateurs à un niveau spectaculaire.»

Un spectacle ?

M. Galati se demande si l'importance de ce réseau n'a pas été sciemment gonflée par le SCRS pour monter un spectacle à des fins politiques. Un questionnement qu'a partagé, sous le couvert de l'anonymat, un policier impliqué dans les brigades antiterroristes mixtes au Québec.

«Ma vision cynique des choses, c'est que ces arrestations tombent à un moment formidable pour le SCRS, dit M. Galati. Tout le spectacle qui a été déployé autour d'elles avec des snipers sur les toits des édifices et des tas d'allégations coulées dans les médias me laisse croire que le SCRS avait des objectifs bien précis. Le premier : gagner le vote à la Chambre des communes pour étendre les lois antiterroristes qui doivent être révisées d'ici quelques semaines. Le deuxième : influencer la Cour suprême, qui se penche sur la constitutionnalité des certificats de sécurité (qui permettent d'expulser ou d'emprisonner des immigrants ou des réfugiés soupçonnés de terrorisme sans leur fournir de preuve). Toute l'atmosphère créée autour des arrestations visait aussi à influencer les tribunaux pour refuser des libérations sous caution.»

M. Galati souligne aussi que les avocats ne peuvent pas rencontrer leurs clients en privé. Les rencontres se font en présence des forces de sécurité. C'est une autre des nombreuses anomalies qu'il dénonce, de concert avec des organisations de défense des droits. «Il serait totalement inacceptable que la poursuite ait recours éventuellement aux dispositions de la Loi antiterroriste permettant de mener les procès à huis clos et ex parte, sans que les accusés et leurs avocats aient accès à toute la preuve», estime la Ligue des droits et libertés. Une déclaration que le SCRS n'a pas voulu commenter.
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5 commentaire(s):

  • At 20 juin 2006 à 10 h 15, Anonymous Anonyme said…

    Effectivement pertinent... Non seulement ce texte est-il informatif mais il reprend, avec force détails, ce que beaucoup pensent depuis ce fameux "coup de filet"... La manipulation de l'opinion publique se fait de bien des façons.

    Reste à voir si les informations publiées par André Noël feront les manchettes d'autres médias???

     
  • At 20 juin 2006 à 14 h 32, Anonymous Anonyme said…

    Et bien ! C'est rare que tu accordes de la crédibilité à un journaliste des MT... Comme quoi il ne faut pas généraliser :)

     
  • At 20 juin 2006 à 16 h 04, Anonymous Anonyme said…

    Tu vois Henri, notre très critique Guy ne nous étonnera jamais trop.

    Je suis d'avis qu'il y a des journalistes qui font leur boulot du mieux qu'ils le peuvent.

    Il faut aussi (j'en parlais à Guy récemment) faire la distinction entre les chroniqueurs, les éditorialistes, les columnists, les nouvellistes et les journalistes. Ils ne font pas le même travail.

    Je suis d'avis que, peu importe la qualité qu'on prête aux journalistes, c'est par notre jugement et notre sens du discernement qu'on trouvera le moyen de s'informer adéquatement. Je pense que c'est possible.

    J'ai d'ailleurs toujours dit "C'est pas parce que c'est écrit dans un livre que c'est vrai!".

     
  • At 20 juin 2006 à 16 h 06, Anonymous Anonyme said…

    Et c'est pas non plus parce que c'est écrit dans un carnet que c'est vrai.

    Peu importe ce qu'on nous sert, il faut savoir lire.

     
  • At 20 juin 2006 à 22 h 11, Blogger Guy Vandal said…

    C'est rare que tu accordes de la crédibilité à un journaliste des MT

    C'est très rare en effet. C'est peut-être même la première fois !!!

    J'ai, par contre, déja écrit que j'avais assez des doigts d'une main pour compter ceux qui font bien leur travail, au Québec. Et je n'ai pas changé d'idée.

    Tu vois Henri, notre très critique Guy ne nous étonnera jamais trop.

    Attend, t'as rien vu. Essaye ma recette de spaghettini au baloney et on s'en reparle !

     

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